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Une parenthèse exotique... à Paris !

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Pour (re)conquérir l’être aimé, on peut lui offrir des fleurs, des chocolats, organiser un pique-nique sur la plage ou encore l’inviter à une croisière sur le Nil (liste non-exhaustive). Sinon, on peut aussi lui faire cadeau d’une pagode japonaise !^^

C’est l’option qu'a choisi François-Emile Morin, responsable du magasin parisien "le Bon Marché", pour épater sa femme ! En 1896, il confie à Alexandre Marcel le soin de construire une « authentique » pagode japonaise sur un terrain situé à quelques pas de son lieu de travail (les lecteurs assidus de ce blog n’auront pas manqué de noter, j’en suis sûre, qu’Alexandre Marcel est également le concepteur du parc oriental de Maulévrier, en Maine-et-Loire, dont Céci nous parlait ici). 

La pagode pour les nuls
Au risque de me ridiculiser, j’avoue que jusqu’ici je pensais qu’une pagode, c’était une jolie habitation asiatique dont la principale typicité était d’avoir des toits recourbés^^ Mais ça, c’était avant que je prenne la peine de me cultiver un peu...

Une pagode est un lieu de culte bouddhiste originaire d’Inde. La pagode indienne, qu’on appelle stupa, se présente comme un dôme. En se diffusant à travers l’Asie, son modèle s’est transformé pour donner le to au Japon. Il en existe différentes formes, mais en occident, l’image que nous connaissons le plus est celle d’une tour en bois de plusieurs d’étages qui s’élève à côté des temples bouddhistes. 

Le stupa de Sanci en Inde, inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO
La pagode d’Horyu-Ji au Japon, également inscrite au patrimoine mondial
Pourquoi une pagode à Paris ?
Le choix de M. Morin peut sembler un peu excentrique mais il s’inscrit pourtant dans l’air du temps (enfin, le temps de la 2de moitié du 19e siècle, entendons-nous bien^^). Un peu d’histoire s’impose...

Au début des années 1600, au Japon, l’influence grandissante des Occidentaux et des missionnaires catholiques commence à faire naître des idées anti-européennes. Les relations avec les nations voisines, notamment en termes de commerce, ne sont pas non plus "au top". A partir des années 1630, plusieurs édits sont donc promulgués et mis en application, marquant le début de la politique isolationniste du Japon appelée « Sakoku ». Entre autres mesures marquantes, les Japonais sont priés de rester au Japon et les étrangers de quitter le pays sous peine de mort. Quant au catholicisme, il est tout simplement interdit ! Des quotas et des règles commerciales restrictives et très strictes sont mises en place : en bref, ça ne rigole pas !

Cette politique finit par lasser les Occidentaux. A partir des années 1850, les Etats-Unis ancrent quelques navires en baie d’Edo et font une petite démonstration de tirs aux canons, afin "d'ouvrir l'huître japonaise". Ils sont rapidement suivis par d’autres pays. C'est ainsi que le Japon de l’ère Meiji s’ouvre finalement aux autres nations de façon... tout à fait spontanée...

Au milieu du 19e siècle, l’Europe (re)découvre donc le Japon. Alors que le vieux continent est en plein trip romantique « retrouvons nos racines grâce au néo-gothique », ses habitants sont fascinés par ce pays qui semble figé dans le temps. 
Une vague de « japonisme » submerge alors les arts et la mode ! La diffusion de la culture nippone se fait via les collectionneurs d’art japonais, mais aussi grâce aux expositions universelles qui y consacrent de nombreux pavillons dans les années 1870. Même si en 1900, le goût pour le Japon semble déjà avoir perdu de sa vigueur, on notera qu’Alexandre Marcel (encore lui) conçoit pour l’exposition parisienne « le panorama du tour du monde » où s’élève, entre autres, une tour d’inspiration japonaise.


Le japonisme étant dans l’air du temps, il n’est donc pas si étonnant que M. Morin ait choisi d’offrir une pagode à son épouse. Et il ne se moqua pas d’elle, puisqu'il fit venir du Japon une charpente en pièces détachées qui fut entièrement remontée à Paris !

Quelques détails de la façade. On a du mal à s’imaginer que la rue est à quelques mètres derrière nous…
Bien sur, cette pagode n'a jamais eu vocation à être un édifice religieux. D’ailleurs, le bâtiment n’avait de japonais que la façade et quelques décors intérieurs. Le couple y organisa de nombreuses réceptions. Les invités étaient particulièrement émerveillés par la salle de bal, ses fresques et ses dorures. 

L’histoire pourrait un peu ressembler à un compte de fées, si Mme Morin n’avait pas décidé quelques mois plus tard de partir avec l’associé de son mari…


La Pagode aujourd’hui
Depuis 1931, « la Pagode » est devenue un cinéma d’art et d’essai, toujours en activité de nos jours. La façade et le (petit) jardin japonais continuent de surprendre les flâneurs et la fabuleuse « salle japonaise » fait la joie des spectateurs qui se sentent, le temps d’un film, un peu privilégiés. La Pagode est classée aux Monuments Historiques depuis 1990.


Ce bâtiment atypique dans le paysage parisien est très beau et son histoire le rend d’autant plus attachant. L’atmosphère y est préservée et je me verrais bien y boire un thé à l’ombre des arbres cet été :) Dommage que le jardin soit si petit. On aurait bien envie de multiplier sa surface pour laisser respirer l’édifice et se perdre dans les allées…


Si vous avez envie de découvrir un peu plus l’esprit des lieux, je vous conseille de jeter un œil sur le documentaire de Caroline Gimenez. Vous y verrez pas mal d’images du bâtiment, notamment de la « salle japonaise » que je n’ai pas pu voir lors de mon passage. Pour visionner la vidéo, cliquez par ici.

57 bis, rue de Babylone - 75007 Paris 








Petit bonus...





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